Les députés débattent à partir d'aujourd'hui de la réforme pénale destinée à « renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorer l'efficacité et les garanties de la procédure pénale » comme son intitulé l'indique. Un texte à haut risque pour les libertés publiques selon le défenseur des droits, Jacques Toubon, qui redoute un abaissement de la démocratie et des droits fondamentaux.
En effet, il ne s'agit ni plus ni moins que de constitutionnaliser l'état d'urgence en inscrivant certaines de ses dispositions, propres à la lutte antiterroriste, dans le droit commun pour faire en sorte que l'exception devienne la règle. Même le député Les Républicains Patrick Devedjian s'est inquiété d'un texte qui banalise la surveillance de masse des citoyens et donne des pouvoirs exorbitants à la police administrative. Mais l'exécutif pourra sans nul doute compter sur la grande majorité des élus de l'UMPS pour valider une réforme dont la fonction première est de museler la contestation sociale, à l'image de l'état d'urgence.
De nouveaux pouvoirs donnés à la police.
Les forces de l'ordre pourront désormais, lors d'un contrôle d'identité, retenir une personne dans une limite de 4 heures « lorsqu'il y a des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste, le temps nécessaire à l'examen de la situation ». Cette rétention quasi-arbitraire pourra se faire même si la personne dispose d'une pièce d'identité.
Enfin, les forces de l'ordre pourront procéder à des achat d'armes illégales, comme elles en ont la possibilité dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Présomption de légitime défense pour les policiers
L'une des mesures-phares du programme de Nicolas Sarkozy est reprise dans le texte : la présomption de légitime défense pour les forces de l'ordre, gendarmes ou policiers. La réforme va mettre en place un nouveau régime d'irresponsabilité pénale au bénéfice des force de l'ordre en cas « d'absolue nécessité » contre quelqu'un qui vient de commettre ou tenter de commettre un meurtre et s'apprêterait à recommencer. La droite avait déjà fait des propositions allant dans ce sens mais celles-ci avaient été écartées par le gouvernement qui les jugeait alors contraires au droit européen. Le texte actuel prévoit donc un nouveau régime afin de contourner l'obstacle européen.
Encore plus de surveillance pour citoyens
De nouveaux pouvoirs vont être donnés aux procureurs pour intercepter les communications, comme les « imsi catcher » - des valisettes permettant l'espionnage téléphonique - et pour ordonner des perquisitions de nuit ou placer des micros dans les lieux d'habitation. Toujours hors de tout contrôle judiciaire. Répondant à une demande de la droite, le texte donne aussi la possibilité à l'administration pénitentiaire de recourir aux techniques utilisées par les services de renseignement.
Contrôle renforcé des déplacements et des flux financiers
Le projet de loi vise enfin à s'attaquer au financement du terrorisme en facilitant l'encadrement et la traçabilité des cartes prépayées dont se sont servis, par exemple, les assaillants du Bataclan. Tracfin, l'organisme anti-blanchiment du ministère de l'Économie, pourra par ailleurs signaler aux banques des opérations et des personnes à risques et faciliter le gel de leurs avoirs.
Un pouvoir sans juges ?
Le but de cette réforme, comme celui des précédentes lois sécuritaires votées par ce gouvernement, est de renforcer le pouvoir exécutif en affaiblissant le garde-fou judiciaire : supplanter le juge d'instruction, relativement indépendant, par les procureurs, directement soumis au ministère de la Justice, ou par les préfets, étroitement dépendants du ministère de l'Intérieur. Cette politique, qui suscite régulièrement des levées de boucliers chez les juges, vise clairement à laminer la séparation des pouvoirs propre à toute démocratie pour instaurer, in fine, ce qui ressemble de plus en plus à un État Policier.