Dans un raisonnement visant à justifier les bombardements occidentaux contre Damas, le médiatique philosophe a évoqué deux massacres aux «armes chimiques» en Bosnie. Problème ? Aucune arme chimique n'avait été utilisée dans ces attaques.
Comment décrédibiliser l'attitude consistant à réclamer des preuves de l'utilisation présumée d'armes chimiques par le gouvernement syrien le 7 avril à Douma, pour mieux légitimer les frappes de la coalition occidentale (Etats-Unis, France et Royaume-Uni) qui s'en sont suivies ? C'est la question philosophique que s'est posée l'écrivain, éditeur et chroniqueur Bernard-Henri Lévy, aussi surnommé «BHL».
Invité de C à vous sur France 5, le 10 avril, Bernard-Henri Lévy répondait au journaliste Patrick Cohen, qui lui demandait : «Que répondre à ces révisionnistes en temps réel qui disent qu'il n'y a pas de preuves [d'attaques chimiques à Douma] et que Bachar el-Assad n'a pas d'intérêt à gazer les civils puisqu'il a gagné la partie militaire autour de Damas et dans la Ghouta ?»
BHL argumente alors, dressant un parallèle avec la guerre de Bosnie-Herzégovine (entre 1992 et 1995) : «Mais ils [les «révisionnistes»] disent toujours ça ! Je me rappelle en Bosnie, à Sarajevo, quand les Serbes envoyaient des armes chimiques sur le marché de Markala ou quand ils envoyaient simplement des obus, on disait [...] ce sont les Bosniaques qui se les sont tirés eux-mêmes.»
Problème dans le raisonnement du philosophe : aucun des deux massacres évoqués, ceux du marché du Markala du 5 février 1994 et du 28 août 1995, n'a été décrit par les enquêtes internationales comme ayant été d'origine chimique. Interrogé par l'AFP, Rusmir Smajilhodzic, journaliste de l'agence à Sarajevo, atteste également que «jamais une attaque chimique n'a été évoquée : ni à l'époque des faits, ni par la suite par des experts ou devant le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)».
Une fake news bientôt passible de sanctions ?
A l'heure où le gouvernement a fait une priorité de la lutte contre l'utilisation de fausses informations comme outil de propagande, le recours par Bernard Henri-Lévy à une fake news pour promouvoir les bombardements occidentaux contre la Syrie, sera-t-il bientôt passible d'une sanction juridique ?