Sécession numérique : comment essayer d'échapper à la surveillance permanente
Par exemple, la Commission Européenne a annoncé son intention de mettre en place une base de données européennes de santé, qui lui permettra de savoir qui, dans l’Union, est à jour de ses vaccins et qui ne l’est pas. En France, la Haute Autorité de Santé planche sur la mise en place d’un outil d’aide à la décision pour compléter le carnet de vaccination numérique. Grâce à cet outil, il sera possible de dresser des listings de non-vaccinés pour bloquer leurs accès aux soins.
Autrement dit, étape après étape, la Commission Européenne franchit, et vérifie que les Etats-membres eux-mêmes franchissent les étapes de ce grand projet de contrôle numérique des populations. Son achèvement doit aller de pair avec la mise en place de l’euro numérique, prévue pour 2024.
Grâce à cette nouvelle monnaie dont peu d’Européens ont compris l’impact, la Commission Européenne pourra affirmer sa puissance en contrôlant nos vies et en rendant impossible l’existence des dissidents.
Basculer dans un autre modèle
On comprend la caractère “holistique”, totalitaire, de ce modèle qui se met en place à pas de loup : les outils numériques permettront de nous surveiller comme des lions en cage, et de nous couper les vivres le jour où nous déciderons de ne plus obéir. C’est tout l’intérêt de nous faire vivre dans des pièges de cristal et de relier les moyens de paiement aux contrôles numériques.
Ce système de surveillance repose très largement sur l’absence d’indépendance vitale qui se répand, nourrie par les projets de Great Reset. Bientôt, plus personne ne sera propriétaire de son argent, de ses biens, de son travail. En tout cas, les marges de propriété seront sans cesse réduites, avec la théorie de la “densification de l’habitat”, qui est l’appellation écologique pudique pour annoncer l’expropriation des maisons individuelles, et l’installation plus ou moins forcée dans des appartements en location.
Ce modèle où la propriété privée est assimilée à une menace pour l’environnement, donc pour la survie de l’espèce humaine annonce un totalitarisme proche des thématiques communistes. Une dépendance totale des individus vis-à-vis d’un Etat tyrannique et policier qui s’arroge le droit de bafouer les libertés fondamentales au nom du bien supérieur de l’humanité s’instaure.
C’est pour cette raison que beaucoup préconisent aujourd’hui de se redonner des marges d’indépendance ou d’autonomie quotidienne, notamment en pratiquant une forme de survivalisme qui permettrait le troc le moment venu. Ce projet est notamment au coeur du réseau Solaris, qui propose une mutualisation des bonnes volontés entre ses adhérents, pour éviter l’intermédiation mercantile ou bureaucratique qui permet de contrôler nos vies.
Nul ne sait l’ampleur que ce mouvement d’autonomisation des individus, notamment par le recours au troc et au don finira par prendre. Mais le ton est donné : si vous voulez échapper à la dictature numérique, qui passera tôt ou tard par la mise sous tutelle des échanges monétaires et par leur subordination à des considérations d’obéissance, vous devez mettre en place un système d’échange alternatif.
Cette alternative doit être monétaire, mais aussi physique.
L’alternative monétaire est longue à mettre en oeuvre, et elle est essentiellement collective. Je la crois possible, parce que l’intelligence spontanée des peuples est souvent beaucoup plus efficace qu’on ne l’imagine et que ne le laissent croire les membres de la caste qui en parlent. Mais elle mériterait une monographie spécifique.
Je voudrais donc surtout m’appesantir sur l’alternative physique, c’est-à-dire sur les moyens concrets d’échapper à la surveillance numérique de nos échanges avec autrui.
Savez-vous qui vous surveille ?
J’ai commencé ce chapitre en évoquant la surveillance dont nous faisons l’objet de la part des GAFAM : Google trace nos déplacements, comme Facebook d’ailleurs, et comme une infinité d’autres applications installées sur nos smartphones, qui nous demandent discrètement si nous acceptons qu’elles nous géolocalisent. Facebook, comme Google, savent par ailleurs ce que nous échangeons sur leurs réseaux : nos conversations (WhatsApp compris) leur sont transparentes dès lors qu’elles circulent sans chiffrement dans leurs tuyaux.
Mais au-delà de ces moyens pour ainsi dire légaux de surveillance, il existe un arsenal de techniques d’espionnage. Ce sont les microphones et les caméras installés sur vos appareils qui vous enregistrent à votre insu, ce sont les applications malveillantes qui permettent de contrôler les données installées sur votre téléphone.
Tous ces dispositifs sont aussi utilisés pour “coloniser” votre ordinateur, ou l’ensemble de vos appareils connectés (à commencer par les “box” qui vous distribuent la télévision).
Pour l’écrasante majorité d’entre nous, cette surveillance est indécelable. Certains imaginent naïvement qu’il suffit d’éteindre son appareil pour le rendre inopérant. C’est une erreur : même éteint, un smartphone peut être contrôlé à distance.
Il existe des applications (payantes) qui permettent de vérifier si vos appareils sont utilisés à votre insu. Si vous ne souhaitez pas payer un abonnement pour exercer cette vérification (qui sera toujours partielle), vous pouvez vous-même exercer quelques contrôles simples.
Par exemple, si votre écran de téléphone s’allume seul, ou si vous vous apercevez que l’icône de micro de WhatsApp s’allume soudain sans que vous n’ayez touché à votre appareil ni ouvert l’application, vous pouvez être sûr que les oreilles indiscrètes de la police sont branchées…
Je ne vais pas vous énumérer la totalité de mes aventures en matière d’espionnage, car elles seraient trop longues. Je me contenterai de vous dire que, très régulièrement, quand je prononce quelques mots-clés, je m’aperçois que mon application Google Calendrier se lance (alors même que je l’ai désactivée) sur mon smartphone, et je peux alors lire pendant quelques secondes la retranscriptions automatiques de mes propos sur mon écran. Je sais alors que les services de renseignement procèdent à la consignation de mes propos.
Faut-il s’empêcher de vivre pour échapper à la surveillance ?
Dans les premières semaines où j’ai compris que j’étais sur écoute permanente, ma femme a relativement souffert de cette violation de notre vie privée, qui l’a aussi concernée dans la mesure où son smartphone s’est mis à faire des bruits bizarres. Dans mon cas, il est vrai que certaines conversations ou certaines réunions auxquelles je participe peuvent être utiles à connaître par la police du régime. Donc je comprends que cette police fasse son travail consciencieusement.
Je me suis habitué à vivre avec ce contrôle en distinguant trois moments essentiels dans mes journées. Les premiers moments sont ceux (majoritaires, en termes de temps) où mes activités n’ont aucun intérêt pour la police : quand je fais mes courses, quand j’accompagne ma fille à l’équitation, quand je prends le métro et que je laisse mes pensées divaguer. Un deuxième type de moment est celui où je n’échange pas de “secrets d’Etat”, mais où me tracer peut être utile : savoir où je déjeuner, avec qui je déjeune, dans quel lieu je me rends. Un troisième type de moments est celui où des informations gênantes transitent par moi, gênantes soit parce qu’elles renseignent sur des activités dissidentes, soient parce qu’elles dévoilent des stratégies personnelles qui permettraient tôt ou tard, du moins la police le croit-elle, de me “tenir”.
Je recommande à chacun de faire comme moi : d’aborder l’exercice avec sérénité et confiance. L’enjeu de celui qui veut déjouer la surveillance numérique est d’élargir au maximum la plage des premiers temps, ceux où votre vie ne présente aucun intérêt pour la police, de bien maîtriser les deuxièmes temps, ceux où vous renseignez les services secrets pour ainsi dire à votre insu, et d’éviter le contrôle policier sur les troisièmes temps.
Il y a, de mon point de vue, un point essentiel à retenir pour gérer sans souci majeur la surveillance du régime : limitez au maximum les aspects cachés de votre vie pour la vivre pleinement. Mettez-vous en règle avec la loi, évitez de frauder le fisc et, si vous avez une maîtresse, expliquez-le à votre femme et faites-en sorte qu’elle le vive bien. C’est le meilleur antidote contre les tracasseries policières.
Apprendre à dissimuler, comprendre la clandestinité
Même en réduisant au maximum les zones d’ombre de votre vie, il reste des moments où vous ne voulez pas que la police se mêle de vos affaires. Voici quelques trucs pour écarter les oreilles indiscrètes.
D’abord, je voudrais lister les erreurs à ne pas commettre.
Si vous voulez en avoir une vision claire, renseignez-vous sur la façon dont la police chinoise identifie les dissidents ouïghours : toutes les personnes qui éteignent trop souvent ou trop longtemps leur téléphone portable sont inquiétes, et souvent arrêtées pour activités illégales. Cela signifie que la police n’a pas le temps d’écouter tout le monde, et qu’elle s’intéresse surtout aux gens dont le comportement s’éloigne de la moyenne.
N’imaginez pas que seule la Chine soit capable de ce genre d’ignominie. En France, le rapport Tirole-Blanchard, du nom de deux économistes célèbres, proposait à Emmanuel Macron de doter Bercy d’algorithmes permettant d’identifier les entrepreneurs probables fraudeurs au fisc selon un modèle proche du système appliqué aux Ouïghours (preuve est donc faite que l’on peut être prix Nobel d’économie et détester les libertés).
Pour l’instant, la loi française n’autorise pas l’arrestation des suspects, comme en Chine, mais on insistera sur le caractère temporaire de cette particularité. Il n’en reste pas moins que si vous ne voulez pas attirer l’attention de la police, il vaut mieux conserver une véritable régularité dans vos comportements.
Concrètement, si vous décidez d’adhérer à la Ligue de Lutte contre les 80 km/h récemment créée par votre ami d’enfance, ne vous contentez pas de n’éteindre votre téléphone que pendant les réunions de cette ligue, surtout si celle-ci accueille d’anciens Gilets Jaunes et des soutiens affichés de l’OAS ou d’Alain Soral.
Eteignez-le tous les jours à la même heure. Cela sera moins inquiétant.
Bref, si vous voulez passer inaperçu, ayez des comportements réguliers et prévisibles.
Le mythe du four à micro-ondes
Il se trouve que, dans mon cas, personne ne peut croire que j’ai une vie parfaitement normale. Ceux qui me surveillent savent donc qu’une partie de mon temps est consacrée à des activités qui seront tôt ou tard qualifiées de complot.
En réalité, la surveillance qui s’exerce alors vise plus à faire du renseignement stratégique (savoir ce qui se trame et faire des notes “d’ambiance” pour le pouvoir où mon mauvais caractère occupe une part substantielle des récits) qu’à éviter des activités illégales que je n’ai pas. Pour faire perdre du temps aux services, j’utilise quelques techniques simples.
D’abord, j’ai abandonné le placement du téléphone dans le four à micro-ondes supposé faire cage de Faraday et empêcher les ondes de passer. Je n’y crois pas un instant, et j’ai pu observer que la méthode ne fonctionnait pas. Je préfère, et de loin, placer mon téléphone et celui de mes invités le plus loin possible de la pièce où nous nous réunissons, et je mets ensuite de la musique dans la pièce où nous parlons, en tournant les hauts-parleurs dans la direction de l’endroit où les téléphones sont stockés.
Mais la méthode la plus sûre, de mon point de vue, consiste à identifier un bar ou un restaurant avec un patron de confiance qui accepte de garder les téléphones près de lui, au bar, pendant que je discute avec mes amis autour d’une table éloignée, et, de préférence, à l’abri des regards extérieurs. Pour peu que le patron mettre de la musique, ou que sa salle soit pleine, et le tour est joué : le son des conversations devient inaudible.
Que penser des téléphones sans surveillance ?
Les amateurs de technologie se tourneront vers les “téléphones sans surveillance” pour échapper au pire. Il s’agit de téléphones sécurisés supposés empêcher les oreilles indiscrètes.
La formule peut être intéressante, mais elle peut vous coûter très cher : certains téléphones sont annoncés à plus de 3.000 euros, ce qui suppose que vous ayez de gros secrets à cacher pour justifier un pareil investissement. Si votre enjeu est de seulement ne pas divulguer en avant-première la date de votre prochaine réunion conspirative, je ne suis pas sûr que le jeu en vaille la chandelle. C’est encore moins le cas si le seul secret que vous cachez est une copie d’écran sur laquelle on voit apparaître un mail envoyé à tout un service ou à toute une entreprise.
Je prends cet exemple parce qu’il m’est arrivé. Une salariée de l’Assistance Publique, au demeurant très gentille, m’avait demandé de la voir personnellement un week-end pour me montrer, avec des airs de James Bond, un message de Martin Hirsch… envoyé sur toutes les boîtes de l’Assistance Publique. Elle avait peur de me le transférer car elle craignait d’être licenciée pour ce manquement !
Si vos secrets à cacher se limitent à cela, n’achetez pas un téléphone à 3.000 euros pour le faire…