Comment Google obligera la presse à s'auto-censurer

Que l'on soit un site de presse gratuit ou payant, qui vit de la publicité ou d'abonnements, la visibilité reste la clé de tout modèle économique. Même si les réseaux sociaux apportent une bulle d'oxygène en permettant de se rendre visible sur d'autres canaux, le moteur de recherche reste vital.
Pour les amateurs aussi, qui diffusent des informations à titre non professionnel, le référencement est essentiel. L'intérêt n'est plus économique, il est démocratique. Un article qui n'est pas référencé est un article qui ne sera pas ou peu lu. Celui qui voit ses articles arriver en tête des résultats sur la recherche d'une problématique quelconque est celui qui aura le plus de chances d'avoir une influence sur cette problématique. A ce titre, Google dispose d'un pouvoir encore insoupçonné, qui lui donne la faculté de modeler les esprits en montrant ou en cachant certaines idées (qu'il ait ce pouvoir ne veut pas dire qu'il s'en sert, mais qu'il s'agit d'un risque à prendre en considération).
A ses origines, Google avait été conçu comme un moteur de recherche neutre, qui ne jugeait pas le contenu des pages mais se contentait de les analyser sémantiquement pour y cueillir les mots clés, et de les classer en fonction de l'importance que leur donnait les internautes eux-mêmes. Plus les sites
Puis le moteur de recherche a dû complexifier ses méthodes pour lutter contre le spam, et s'est mis à juger de la qualité intrinsèque des contenus. Il a alors perdu sa neutralité, pour des motifs divers et variés, louables ou inavouables. Plutôt que de chercher à fournir le résultat le plus pertinent ou le plus intéressant, au besoin en faisant remonter une page méconnue et en prenant le risque de se tromper, Google s'est mis à fournir le résultat le plus rassurant. Le moins risqué pour son image de marque. Ce fut la fin de l'idéal de la longue traîne, et la prime donnée aux sites qui bénéficient déjà d'une importante notoriété.
Mais désormais, Google va plus loin. Depuis décembre 2012, d'abord aux Etats-Unis puis en Grande-Bretagne, en Australie et en Nouvelle-Zélande, le filtre SafeSearch est imposé aux internautes, qui n'ont plus la possibilité de le désactiver. Google ayant l'habitude de tester de type de
La seule préoccupation du moteur de recherche est l'éventuel manque d'efficacité de son filtre (les faux négatifs) ; pas le trop d'efficacité (les faux positifs)."Si de tels contenus s'affichent encore,
Or l'activation imposée de SafeSearch va faire disparaître des résultats de Google toute une série d'articles que la presse française, qui n'est pas bercée au rejet de la sexualité imposé par les sites américains, juge adaptée à son public.
Ainsi par exemple, lorsque SafeSearch est activé, cet article de Rue89 sur la remise des Bad Sex Awards est censuré. Aux yeux du très prude Google, le journal numérique a le tort de citer des passages explicites de la littérature érotique. En revanche, Actualitté qui fait preuve de plus de pudeur est bien classé dans les résultats après censure :
Nous avons aussi découverts d'autres articles censurés, dont ce très osé article qui expliquait, sans images ni mots explicites, qui évoquait l'amour et le s*x* (pardon, on s'auto-censure pour éviter la censure de cet article-ci) entre les robots et les hommes. Nous avons beau lire, re-lire et re-re-lire l'article, nous ne voyons pas très bien ce qui justifie qu'il soit pris dans les mailles du filet de SafeSearch. Mais ainsi en juge Google.
Et l'on parle là uniquement des contenus sexuels. Mais comme l'indique Google, ce sont l'ensemble des "contenus choquants" qu'il veut supprimer. Où s'arrêtera sa définition ?
Que s'interdiront d'écrire la presse et les internautes soucieux de référencement de leurs articles, pour échapper à la guillotine SafeSearch ?
http://www.numerama.com/magazine/27724-comment-google-obligera-la-presse-a-s-auto-censurer.html