SE TIRER
Depuis le Mémorandum II je crois bien que les suicides deviennent plus fréquents, ou sinon, c'est la presse qui en dit davantage. En tout cas, sur l'île d'Eubée, un homme de 56 ans se tire une balle, seul sur la plage, car selon le reportage « ce père de deux enfants, rencontrait des problèmes financiers... ». Apparemment, le Mémorandum II n'apporte pas la pierre philosophale, donc... on se tire ailleurs... comme on peut, dans ce pays.
« EDUCATION »
THÉÂTRE GRÉCO-ALLEMAND
La grande thématique à Trangas est « l'occupation allemande » sur notre pays, et, il y a six mois, ses jeux de mots nous faisaient sourire, plus maintenant. Une personne appartenant au microcosme politique de la droite et qui n'appréciait pas Trangas à cause de son style, m'a dit alors sans hésiter : « Je ne l'aime pas, il est trop populiste, mais depuis quelques semaines déjà, je me dis que sur l'Allemagne il a raison. En revanche, à un moment si crucial de notre histoire, nous n'entendons plus du tout parler des Américains : ils sont hors jeu ou quoi ? Je ne le crois pas finalement ; il doit se passer quelque chose... Tiens j'ai vu mon ami Aristos, il est haut fonctionnaire aux impôts tu ne le connais pas, c'est la catastrophe a-t-il dit. Il a envoyé ses gars aux petites et moyennes entreprises. C'est pour faire verser la TVA… Avant ils fraudaient. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus vraiment payer ; d'ici l'été, ils vont faire faillite, on se demande d'où viendra l'assiette fiscale désormais... ».
MAUVAIS SOUVENIRS
Pourtant, parmi nous, certains espèrent et attendent. « Nous avons vécu bien pire », disent-ils. Ainsi récemment, j'ai rencontré une figure de la Résistance (1940), Manolis Glezos. Il est l'auteur du premier acte de résistance en Grèce sous l'occupation et probablement un des tout premiers en Europe occupée. Le 30 mai 1941, il est monté au sommet de l'Acropole en compagnie d'Apóstolos Sántas, et il a dérobé le drapeau nazi qui flottait sur la ville depuis le 27 avril 1941, date de l'entrée des troupes allemandes dans Athènes. Manolis Glezos et Apostolos Santas furent condamnés à mort par contumace par les nazis. Le 24 mars 1942, il fut arrêté par les Allemands et torturé.
Il a 90 ans et toute sa vitalité. Il sent que l'époque change radicalement, comme il dit. Des documentaristes français lui ont demandé son appréciation de l'état de la société grecque actuellement. Eh bien, il a répondu par une analyse de fond, économique et géopolitique de la crise grecque, tout simplement parce qu'il n'a pas saisi toute leur démarche - de méta-analystes. Il est resté, et avec brio, dans son rôle de vrai pédagogue et de défenseur de la cause grecque, s'adressant aux médias du monde et de la France en particulier. Il a tout de même exprimé son inquiétude ; c'est-à-dire voir s'installer une certaine violence anomique dans la société grecque, annulant ainsi toute résistance utile.
ARCHAÏSME
Il s'est souvenu d'un petit épisode vécu lors de son transfert en caïque entre deux îles d'exil. Un paysan-pécheur alors embarqué en tant que passager pose la question suivante à un détenu politique, paysan également mais appartenant au groupe de Glezos : « Pourquoi êtes-vous dans cette situation ? » Réponse : « Parce que le rapport entre les forces productrices et les structures productrices n'est pas encore arrivé à maturité... » C'est cette même réponse que notre gauche répète encore et encore, selon Glezos. Et le paysan-pécheur de 1947 n'avait rien compris.
LIBRES
Pour rester dans le détail de l'histoire, j'ai appris que les fonctionnaires détachés à la Présidence, ou sinon des voisins, auraient financé l'opération chirurgicale pratiquée sur un chat errant du coin. C'est en effet un bel acte, car depuis la crise, les cas de mise à mort et de torture sur des chiens et chats errants se multiplient. Chez nous, ces animaux, nous les appelons, « adespota », littéralement « sans despote », sans maître, donc supposons-le, libres. Et nous ? Au même moment, de l'autre coté du jardin botanique, c'est la chirurgie « sociale » de la Troïka qui triomphe. À deux pas des institutions supposées directionnelles de notre pays, les nouveaux sans abri se réchauffent comme ils peuvent. Un peu plus loin sur les stores fermés d'une boutique, on peut lire : « Nous ne voulons plus être sauvés ».
SOUS L’EAU, ÇA BRÛLE
Un policier très jeune laisse alors un long sourire s'échapper sur ses lèvres, pas forcement ironique d'ailleurs. Le voyant, un homme parmi les manifestants a laissé toute sa colère exploser : « Espèce de porc, cela te fait rire, tu devrais baisser les yeux, t'agenouiller même. Cette femme c'est ta mère ou ta grande mère, et toi, tu protèges les assassins de cette femme, honte et encore honte, un jour je te réduirai en poussière... ». Un gradé de la police a fait alors signe à ses hommes de rester calmes, les pulsions furent ainsi en quelque sorte déchargées et la nouvelle garde Evzone s'est mise en route pour prendre la relève devant le monument du soldat inconnu. Sous la pluie.