L'ESPACE ET LE TEMPS CONTEXTE ARCHÉOLOGIQUE | La culture aurignacienne est très étendue avec des concentrations dans la région du Haut-Danube en Allemagne, en Autriche, en Slovaquie dans la région de la Moravie, en Espagne dans la région de Santander. En France, les Aurignaciens se sont installés dans les petites vallées, dans la région des Eyzies-de-Tayac en Dordogne et dans le Piémont pyrénéen. La présence de cette civilisation est très discrète en Ardèche si on excepte la grotte Chauvet-Pont-d'Arc. Dans les gorges de l'Ardèche, on peut citer les silex issus de l'Aurignacien ancien retrouvés dans la grotte du Figuier (Saint-Martin-d'Ardèche) et le petit abri des Pêcheurs (Casteljau). Dans le département voisin du Gard, on mentionnera la grotte d'Oullins et surtout le site d'Esquicho-Crapaou (Sainte-Anastasie) qui a livré des dates de 34.000 à 32.000 ans. L'Aurignacien se distingue des cultures précédentes par de nombreuses améliorations dans la taille du silex, par une diversification des outils et par des innovations. Les outils sont façonnés sur lames et non plus sur éclats. Les types sont normalisés : grattoirs pour préparer les peaux, burins pour travailler l'os et graver. Le bois de cervidés, l'os et l'ivoire sont utilisés pour fabriquer des armatures de chasse. Les Aurignaciens n'employaient pas le propulseur et l'arc non plus. Il n'a pas été retrouvé d'aiguilles à chas, les vêtements devaient être plus grossièrement assemblés que dans les périodes plus récentes. Parmi les innovations, figure le développement de la parure corporelle : coquilles percées, dents percées et autres pendeloques en os s'associent à des bracelets et des perles d'ivoire. Cependant, le soudain épanouissement de l'art monumental dont témoigne la Grotte Chauvet-Pont-d'Arc est bien l'invention majeure de cette culture. | | | L'ESPACE ET LE TEMPS LES DATATIONS | Des datations directes effectuées en 1995 ajoutent une dimension inattendue à la découverte. En effet, trois échantillons pris sur deux rhinocéros et un bison tracés au charbon ont donné des dates comprises entre 30 340 et 32 410 avant le présent. Compte-tenu des marges statistiques, cela signifie que ces peintures ont été faites à une date très ancienne, autour de 31 000 ans avant le présent, dans un intervalle de 1 300 ans. La datation (26 120 ±400) d'unmouchage de torche superposé à la calcite couvrant un dessin prouve que certaines au moins des représentations ont bien été effectuées à des dates très anciennes et que l'on doit écarter l'hypothèse, au demeurant fort improbable, de visiteurssolutréens ou magdaléniens qui auraient ramassé sur le sol des charbonsaurignaciens et s'en seraient servi pour tracer leurs dessins des milliers d'années après le passage des premiers occupants de la caverne. L'ESPACE ET LE TEMPS LES DATATIONS Ailleurs à la même époque | Ces dates, les plus anciennes au monde pour des peintures, bouleversent nos conceptions de l'art pariétal. L'on savait que lesaurignaciens de l'Allemagne méridionale, entre 35 et 30 000 ans, avaient créé un art mobilier sophistiqué avec des statuettes en ivoire à la fois naturalistes et stylisées. Cela montrait que les théories sur le développement linéaire de l'art, avec ses débuts frustes et maladroits à l'Aurignacien, suivis de progrès au fil des millénaires, n'étaient pas fondées. L'art étonnamment original et " évolué " de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc, contemporain de ces statuettes, prouve que l'invention artistique des Aurignaciens pouvait s'appliquer avec autant de bonheur aux parois des grottes, à la peinture et à la gravure, qu'à l'art mobilier et aux petites statuettes en ronde-bosse. /http%3A%2F%2Fwww.culture.gouv.fr%2Ffr%2Farcnat%2Fchauvet%2Fimg%2Fimg002_x.jpg) Le problème se pose à présent des relations entre les artistes de l'Ardèche et ceux du Jura Souabe. Les statuettes de Vogelherd et de Geissenklörsterle, malgré leur petit nombre, représentent des sujets identiques à ceux de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc : mammouths, félins, bisons, ours , cheval, rhinocéros. Il existe même un être composite, homme à tête de félin, sur le site du Hohlenstein-Stadel. Ces convergences traduisent-elles des relations directes entre Allemagne méridionale et Ardèche, par la vallée du Rhin et celle du Rhône ? Les thèmes mythiques, à cette époque, étaient-ils sensiblement différents de ceux que l'on connaîtra par la suite, lorsque la dominance du cheval et du bison succédera à celle des rhinocéros et des félins, ou s'agit-il d'un phénomène limité chronologiquement et géographiquement ? L'ESPACE ET LE TEMPS LES DATATIONS Bouleversement de la préhistoire de l'art | Enfin, les thèmes représentés et la date très haute de certaines des peintures de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc vont à l'encontre des schémas de A. Leroi Gourhan, qui ont profondément influencé la recherche sur l'art pariétal depuis la parution de son ouvrage majeur en 1965. Son style I , corrélé avec l'Aurignacien, ne peut plus s'appliquer qu'à des sites archaïques, en majorité localisés en Dordogne. La nouvelle découverte échappe totalement à ce cadre. Quant à la structure de la cavité, et plus particulièrement à l'organisation des panneaux, avec des félins et desrhinocéros en position centrale dominante, elle est contraire aux idées, longtemps admises, de Leroi-Gourhan, pour qui les félins, par exemple, devaient se trouver sur les marges, dans les entrées ou dans les fonds. L'étude de la grotte Chauvet-Pont-d'Arc ne fait que débuter. Au cours des années qui viennent, une masse considérable d'informations viendra s'ajouter à ces premiers éléments, et d'autres surprises sont probables. Cependant, l'importance et l'originalité de cette caverne ardéchoise sont telles, même à ce stade préliminaire, que l'on peut dès à présent être certain que, comme ce fut le cas lors de la découverte d'Altamira et de Lascaux , notre connaissance des premières manifestations artistiques de l'humanité va franchir un palier décisif. | | L'ESPACE ET LE TEMPS L'IMPORTANCE DE LA GROTTE | La découverte a causé un choc, tant la grotte a paru importante et originale, même aux non spécialistes. Ce sentiment tient à plusieurs causes. La première est le bestiaire figuré avec cesrhinocéros, ces lions et ces ours. Généralement, les animaux représentés dans les cavernes paléolithiques sont des animaux chassés, même si leurs proportions ne coïncident nullement avec les tableaux de chasse tels que nous les connaissons d'après les fouilles d'habitats. Ici, les animaux dangereux, qui ne figuraient pas au menu des paléolithiques, sont largement majoritaires (plus de 60 % des animaux déterminés, si on rajoute le mammouth). Les techniques utilisées, c'est-à-dire la façon dont ces animaux ont été représentés, sont elles aussi étonnantes, surtout par l'usage constant de l'estompe et les recherches de perspectives. Ces raffinements tranchent avec les images auxquelles nous sommes habitués. | | |