Tesla : Energie, des solutions pour produire sans détruire l’environnement (II)
Retour 1ère partie
Travaux visant à obtenir plus d’énergie à partir du charbon - La transmission de l’électricité - Le moteur à gaz - La pile à charbon froid (soit une pile à combustible à oxydation lente)
.
L’arrivée des systèmes à courant alternatif pour la transmission de l’électricité, marque le début d’une époque où l’énergie du charbon disponible pour l’humanité devient plus économique. Évidemment, toute l’énergie obtenue à partir de chutes d’eau permet d’économiser autant de combustible et profite à l’humanité, et est d’autant plus rentable qu’elle ne demande que peu d’efforts de la part de l’homme ; dans la mesure où ce procédé est le plus parfait de tous ceux que l’on connaisse pour exploiter l’énergie solaire, il contribue de bien des façons, à l’avancement de la civilisation. En outre, l’électricité nous permet d’extraire beaucoup plus d’énergie du charbon que par le passé. Au lieu de transporter le charbon vers de lointaines destinations de consommation, nous le brûlons près des mines, produisons de l’électricité dans les dynamos et envoyons le courant vers les villes lointaines : donc nous faisons de sérieuses économies. Au lieu de faire fonctionner les machines à l’usine, selon la vieille manière peu économique avec courroies et arbres, nous produisons de l’électricité avec la vapeur et faisons marcher des moteurs électriques. C’est ainsi qu’il n’est pas rare d’obtenir deux à trois fois plus d’énergie motrice effective à partir du combustible, en plus de nombreux autres avantages importants. C’est dans ce domaine, ainsi que dans celui de la transmission d’énergie sur de grandes distances, que le système alternatif, avec sa mécanique idéalement simple, va entraîner une révolution dans l’industrie. Toutefois, ces progrès n’ont pas encore été ressentis dans beaucoup de domaines. Par exemple, dans les bateaux à vapeur et les trains, les arbres et essieux sont toujours actionnés par la puissance de la vapeur. Un plus grand pourcentage de l’énergie thermique du charbon pourrait être transformé en énergie motrice en utilisant, à la place des machines navales et des locomotives actuelles, des dynamos actionnées par des machines à gaz ou à vapeur de haute pression spécialement conçues, et en utilisant l’électricité obtenue pour la propulsion. De cette manière, on pourrait obtenir entre 50% et 100% de plus d’énergie effective à partir du charbon. On a du mal à comprendre pourquoi les ingénieurs n’accordent pas plus d’attention à un fait aussi simple et évident. Ce type d’amélioration serait particulièrement bénéfique aux bateaux à vapeur au long cours, car elle supprimerait le bruit et augmenterait leur vitesse et leur tonnage.
Le rendement énergétique du charbon a été encore amélioré grâce aux derniers moteurs à gaz plus perfectionnés qui, en moyenne, produisent deux fois plus d’énergie que les meilleurs moteurs à vapeur. L’introduction des moteurs à gaz est facilitée par l’importance de l’industrie du gaz. Comme l’utilisation de la lumière électrique augmente, on utilise de plus en plus le gaz pour obtenir de l’énergie thermique et motrice. Le gaz est très souvent fabriqué près des mines de charbon et envoyé vers les lieux de consommation lointains, ce qui permet de réaliser des économies à la fois sur les frais de transport et sur l’utilisation de l’énergie du combustible. Les conditions actuelles en mécanique et en électrotechnique font que la manière la plus sensée de produire de l’énergie à partir du charbon est, bien sûr, de fabriquer le gaz près du gisement de charbon et de l’utiliser, soit sur place, soit à distance, afin de produire de l’électricité pour l’industrie avec des dynamos actionnées par des moteurs à gaz. Le succès commercial d’une telle installation est largement fonction de la construction de moteurs à gaz à grande puissance nominale de CV qui, à en juger par les gros efforts fournis dans ce domaine, ne tarderont pas à envahir le marché. Au lieu d’utiliser directement le charbon, comme à l’accoutumée, le gaz sera fabriqué à partir de lui et brûlé pour économiser de l’énergie.
Néanmoins, toutes ces améliorations ne seront que des étapes intermédiaires dans l’évolution vers quelque chose de plus parfait car, finalement, nous devrons réussir à obtenir de l’électricité à partir du charbon d’une manière plus directe, sans perdre beaucoup de son énergie thermique. On ne sait toujours pas si le charbon peut être oxydé par un processus froid. Sa combinaison avec l’oxygène produit invariablement de la chaleur et la question de savoir si l’énergie de cette combinaison du carbone avec un autre élément peut être transformée directement en énergie électrique, reste ouverte. Sous certaines conditions, l’acide nitrique brûle le carbone en générant de l’électricité, mais la solution ne reste pas froide. D’autres moyens pour oxyder le charbon ont été proposés, toutefois, ils ne garantissent pas d’aboutir à un procédé efficace. Moi-même ai complètement échoué dans ce domaine, mais peut-être moins que certains qui ont "perfectionné" la pile à charbon froid. C’est au chimiste de résoudre ce problème, et non au physicien, car celui-ci détermine à l’avance tous ses résultats, de manière que lorsqu’il en vient aux expérimentations, il ne peut que réussir. En chimie, bien que ce soit une science exacte, les méthodes sûres, comme celles qui sont disponibles en physique et qui permettent de résoudre de nombreux problèmes, n’existent pas. Dans ce domaine, les résultats s’obtiennent plus après des expérimentations menées avec patience, que par déduction ou calcul. Toutefois, le temps est proche où le chimiste pourra suivre clairement une voie soigneusement tracée à l’avance et où la méthode, qui lui permettra d’arriver aux résultats désirés, sera purement déductive. La pile à charbon froid (soit à combustible à oxydation lente), est susceptible de donner une grosse impulsion au développement d’appareils électriques ; elle pourrait conduire en peu de temps à la construction d’avions d’utilisation plus pratique et favoriser énormément l’avènement de l’automobile. Néanmoins, tous ces problèmes et bien d’autres seraient mieux réglés - et de manière plus scientifique - avec un accumulateur léger.
L’énergie du milieu - Le moulin-à-vent et le moteur solaire - L’énergie motrice extraite de la chaleur terrestre - L’électricité issue de sources naturelles.
Toutefois, quelles que soient les sources d’énergie primaires dont nous allons nous servir à l’avenir, si nous voulons être rationnels, il faudra chercher à la produire sans brûler de matière première. Il y a longtemps que je suis arrivé à cette conclusion, et pour obtenir ce résultat, seules deux possibilités s’offrent à nous, comme je l’ai déjà dit plus haut : soit exploiter l’énergie solaire existant dans le milieu environnant, soit transmettre cette énergie solaire à distance et à travers ce milieu, depuis un endroit où elle aura pu être obtenue sans brûler de matière première. À cette époque, j’ai tout de suite rejeté la deuxième solution puisqu’elle est totalement inconcevable dans la pratique, et je me suis mis à étudier les possibilités de la première.
Bien que ce soit difficile à croire, il est néanmoins un fait que l’homme, depuis des temps immémoriaux, disposait d’un assez bon appareil qui lui permettait d’utiliser l’énergie du milieu environnant : c’est le moulin-à-vent. Contrairement aux idées reçues, le vent peut fournir une énergie très considérable. Toute une série d’inventeurs, en proie à des illusions, ont passé des années de leur vie à chercher à "exploiter les marées", et certains ont même proposé de comprimer l’air avec l’énergie du flux et du reflux pour en obtenir de l’énergie, sans jamais comprendre les signes que leur faisait le vieux moulin-à-vent sur la colline, alors qu’il agitait tristement ses bras en les priant de s’arrêter. Le fait est qu’un moteur actionné par de l’énergie marémotrice aurait, en règle générale, une bien petite chance de rivaliser commercialement avec le moulin-à-vent qui est, de loin, le meilleur appareil, puisqu’il permet d’obtenir beaucoup plus d’énergie d’une manière bien plus simple. Autrefois, l’énergie éolienne avait une valeur inestimable pour les hommes, ne serait-ce que parce qu’elle leur permettait de traverser les mers et les océans ; aujourd’hui, elle joue toujours un rôle très important dans les voyages et les transports. Cependant, cette méthode idéalement simple d’exploitation de l’énergie solaire connaît de sérieuses limites. Les appareils sont gros par rapport à un rendement donné, et l’énergie est produite par intermittence, ce qui nécessite son stockage et augmente les frais de l’installation.
Toutefois, une autre manière plus intéressante pour obtenir de l’énergie, est l’exploitation de l’énergie des rayons solaires qui, sans cesse, viennent frapper la Terre, et dont la puissance énergétique dépasse les quatre millions de CV par 2,5 km2. Bien que l’énergie moyenne, reçue où que ce soit chaque année par km2, ne soit qu’une petite fraction de cette somme globale, nous disposerions d’une source d’énergie inépuisable, si nous pouvions découvrir une méthode efficace pour utiliser l’énergie des rayons. Le seul moyen rationnel que je connaissais, alors que j’entamai mes investigations dans ce domaine, était d’utiliser un type de moteur thermique ou thermodynamique, actionné par un fluide volatil s’évaporant dans une chaudière sous la chaleur des rayons solaires. Cependant, mes recherches plus approfondies et mes calculs ont montré que, malgré la très grosse quantité d’énergie apparemment reçue des rayons solaires, cette méthode ne permettait d’utiliser en pratique qu’une infime partie de cette énergie. Par ailleurs, l’énergie fournie par le rayonnement solaire est irrégulière et j’ai rencontré le même type de limitations qu’avec l’utilisation du moulin-à-vent. Après avoir longuement étudié ce mode de production d’énergie motrice à partir du soleil et compte tenu de la nécessité d’une chaudière de gros volume, du faible rendement de la machine thermique, des coûts supplémentaires pour stocker l’énergie et d’autres inconvénients, je suis arrivé à la conclusion que le "moteur solaire", dans la majeure partie des cas, ne pouvait pas être exploité à l’échelle industrielle avec succès.
Une autre manière d’obtenir de l’énergie motrice à partir du milieu sans avoir à brûler de matière première, serait d’utiliser la chaleur emmagasinée dans la terre, l’eau ou l’air pour faire marcher un moteur. Tout le monde sait que les profondeurs du globe sont très chaudes ; les observations ont montré que la température augmente d’1° C tous les 30 m. Il n’est pas inconcevable de pouvoir surmonter les difficultés à creuser des puits et de mettre en place des chaudières à une profondeur de quelque 3650 mètres - ce qui correspond à une augmentation de la température d’environ 120° C - et nous pourrions certainement exploiter la chaleur interne du globe terrestre. En fait, il ne serait même pas nécessaire de creuser en profondeur pour utiliser la chaleur emmagasinée. Les couches supérieures de la terre et les couches d’air qui se trouvent juste au-dessus, ont une température suffisamment élevée pour pouvoir libérer certaines substances extrêmement volatiles, qui pourraient remplacer l’eau dans nos chaudières. Il ne fait aucun doute qu’un bateau puisse avancer sur l’océan grâce à un moteur actionné par ce type de fluide volatil, sans aucune autre énergie si ce n’est la chaleur extraite de l’eau. Toutefois, la puissance obtenue par ce procédé serait très faible, à moins de prendre des mesures complémentaires.
L’électricité produite par des phénomènes naturels est une autre source d’énergie exploitable. Les éclairs contiennent d’énormes quantités d’électricité, susceptible d’être transformée et stockée pour une utilisation future. Il y a quelques années, j’ai publié une méthode de transformation de l’électricité qui faciliterait la première étape de ce travail ; cependant, il sera plus difficile de stocker l’énergie des décharges des éclairs. En outre, il est connu que des courants électriques circulent constamment à travers la terre et qu’il existe, entre la terre et l’air, une différence de tension électrique qui varie en fonction de l’altitude.
À ce propos, j’ai découvert, lors d’expérimentations récentes, deux nouveaux faits très importants. Premièrement, le mouvement axial de la Terre et probablement aussi son mouvement de translation, génèrent de l’électricité dans un fil qui part du sol et qui monte très haut dans les airs. Toutefois, la quantité d’électricité qui passe continuellement dans ce fil reste minime, tant que l’électricité ne peut pas s’écouler dans l’air. Cet écoulement sera grandement facilité si on place, au sommet du fil, un terminal conducteur de grande surface et comportant beaucoup d’arêtes acérées ou des pointes. Nous pouvons donc obtenir de l’électricité de manière continue avec un simple fil qui s’élance dans les airs, mais malheureusement, en faible quantité.
Deuxièmement, les couches supérieures de l’atmosphère sont continuellement chargées d’électricité dont la polarité est à l’inverse de celle de la Terre. C’est du moins ainsi que j’ai interprété mes observations, et il semblerait que la Terre, avec son enveloppe isolante et conductrice, constitue un condensateur électrique de grande charge contenant, probablement, une grande quantité d’énergie électrique qui pourrait être mise au service de l’humanité si on pouvait l’atteindre avec un fil qui monte très haut dans les airs.
Il est possible, voire probable, que d’autres sources d’énergie seront découvertes au fil du temps, dont nous n’avons aujourd’hui aucune idée. Nous pourrions même trouver des méthodes de mise en application de forces comme le magnétisme ou la gravité, pour actionner des machines sans utiliser d’autres moyens. De tels exploits, bien que très improbables, ne sont pas impossibles. Je vais citer un exemple pour donner une parfaite idée de ce que nous pourrions espérer, mais que nous n’atteindrons jamais. Imaginons un disque constitué d’un quelconque matériau homogène qui tourne, en équilibre parfait et sans frottement, sur un axe horizontal au-dessus du sol. Dans de telles conditions, ce disque peut s’arrêter dans n’importe quelle position. Il se pourrait que l’on découvre comment faire tourner un tel disque de manière continue et lui faire faire un travail grâce à la force de gravité, sans aucune autre intervention de notre part. Toutefois, il est impossible que ce disque tourne tout seul et travaille sans l’intervention d’une force extérieure. Car si c’était possible, nous aurions affaire à ce que l’on appelle scientifiquement un "perpetuum mobile", une machine créant sa propre force motrice. Pour faire tourner ce disque par la force de gravité, il suffit d’inventer un écran contre cette force. Un tel écran empêcherait cette force d’agir sur une moitié du disque, qui alors se mettrait à tourner. Nous ne pouvons pas renier cette possibilité, du moins pas avant de connaître la nature exacte de la force de gravité. Supposons que cette force soit due à un mouvement comparable à celui d’un courant d’air venant du haut et se dirigeant vers le centre de la Terre. L’impact d’un tel courant sur les deux moitiés du disque serait identique et c’est pourquoi, normalement, le disque ne se mettrait pas à tourner ; mais si une moitié était protégée par une plaque qui arrête le mouvement, alors il tournerait.
L’abandon des méthodes connues - Les possibilités
d’un moteur ou d’une machine "automatique", inanimé, et néanmoins capable, telle une créature vivante, de puiser de l’énergie dans le milieu - La méthode de production idéale d’une force motrice.
J’essayais vainement d’imaginer comment atteindre ces objectifs, lorsque je tombai sur certaines déclarations de Carnot et de Lord Kelvin (qui, à l’époque, s’appelait toujours Sir William Thomson) qui disaient qu’il fût pratiquement impossible à un mécanisme inanimé ou à une machine automatique de faire descendre la température d’une partie de l’air en dessous de celle du milieu environnant, et de fonctionner avec la chaleur récupérée. Ces affirmations m’intéressèrent au plus haut point. Une créature vivante pouvait, de toute évidence, réaliser ces choses-là, et comme mes expériences passées m’ont convaincu qu’une créature vivante n’est pas autre chose qu’un automate ou, en d’autres termes, une "machine automatique", j’en conclus qu’il était possible de construire une machine qui agirait pareillement. Je conçus donc le mécanisme suivant, comme première étape pour atteindre cet objectif. Imaginons une thermopile constituée d’un certain nombre de tiges de métal qui, posée sur le sol atteindrait l’espace, au-delà de l’atmosphère. La chaleur d’en bas véhiculée vers le haut par ces tiges de métal, refroidirait la terre, les mers ou les airs, selon l’emplacement de la partie inférieure des tiges, avec comme résultat bien connu, la génération d’un courant électrique circulant dans ces tiges. Les deux terminaux de la thermopile pourraient alors être reliés par un moteur électrique qui, en théorie, devrait pouvoir fonctionner sans cesse, jusqu’à ce que le milieu en bas refroidisse au point d’atteindre la température de celle de l’espace. Nous aurions donc un moteur inanimé qui, de toute évidence, serait capable de refroidir une partie du milieu jusqu’en dessous de la température ambiante et de fonctionner avec la chaleur récupérée.
Toutefois, serait-il possible d’obtenir des conditions similaires sans devoir monter aussi haut ? Imaginons, pour les besoins de la cause, une enceinte T, illustrée dans le diagramme B, dans laquelle l’énergie pourrait uniquement circuler à travers un canal O, et que, d’une manière ou d’une autre, il y ait à l’intérieur de cette enceinte un milieu possédant très peu d’énergie, tandis qu’elle baigne dans le milieu ambiant ordinaire ayant beaucoup d’énergie. Dans de telles conditions, l’énergie passera par le canal O, tel que l’indique la flèche, et elle sera convertie en une autre sorte d’énergie. La question était de savoir si de telles conditions pouvaient être obtenues ? Pourrions-nous produire artificiellement une telle "dépression" dans laquelle l’énergie du milieu environnant pourrait s’écouler ? Supposons que l’on puisse maintenir une température extrêmement basse, par un procédé quelconque, dans un espace donné ; le milieu environnant serait alors appelé à libérer de la chaleur qui pourrait être convertie en énergie mécanique ou autre, puis utilisée. Si nous pouvions mettre ce concept en application, nous pourrions obtenir de l’énergie de façon continue, en tout point du globe, nuit et jour. En outre, dans l’abstrait, il semblerait possible de créer une compensation rapide de la perturbation du milieu et donc de puiser très rapidement de l’énergie.
Voici donc un concept qui, s’il était réalisable, offrirait une solution heureuse au problème de l’extraction de l’énergie du milieu. Mais l’est-il vraiment ? J’étais convaincu qu’il le fût, d’une manière ou d’une autre, et voici l’une d’entre elles. Imaginons que nous nous trouvions à une altitude - ou niveau - élevée, ce qui peut être représenté par la surface d’un lac de montagne, très haut au-dessus du niveau de la mer ; ce niveau représente le zéro absolu de la température dans l’espace interstellaire. La chaleur s’écoule avec l’eau du niveau supérieur à un niveau inférieur et, partant, si nous pouvons laisser s’écouler l’eau du lac jusque vers la mer, nous pouvons aussi laisser monter la chaleur de la surface de la Terre jusque dans les régions froides supérieures. La chaleur, tout comme l’eau, peut faire un travail en s’écoulant vers le bas, et si nous doutions tout à l’heure de pouvoir obtenir de l’énergie du milieu avec une thermopile, l’analogie que voilà va dissiper tout doute. Toutefois, pouvons-nous refroidir un espace donné et faire couler en permanence de la chaleur à l’intérieur ? Pour créer une telle "dépression" ou "trou froid", pour ainsi dire, dans le milieu, cela reviendrait à créer dans le lac un espace soit vide, soit rempli d’une substance beaucoup plus légère que l’eau. C’est ce que l’on obtiendrait en plaçant une cuve dans le lac et en pompant toute l’eau de cette dernière. Nous savons que, si ensuite
Premiers efforts pour construire un moteur automatique - L’oscillateur mécanique - Les travaux de Dewar et Linde - L’air liquide.
Tel que je l’avais conçu initialement, il y avait, dans ce processus d’utilisation de l’énergie du milieu, une combinaison de cinq éléments essentiels et chacun d’eux dut être étudié et développé, car il n’existait aucun appareil de ce type. L’oscillateur mécanique était le premier élément de cet ensemble et lorsque je l’eus perfectionné, je commençai à travailler au deuxième, qui était un compresseur à air, dont le design ressemblait à certains égards à celui de l’oscillateur mécanique. Je rencontrai des difficultés similaires lors de leur construction ; je m’acharnai néanmoins dans mon travail et, vers 1894, ces deux éléments de l’ensemble étaient fin prêts. J’avais ainsi obtenu un appareil pour comprimer l’air, pratiquement à n’importe quelle pression, un dispositif incomparable avec les appareils ordinaires, car beaucoup plus simple, plus petit et plus efficace. Je venais d’entamer les travaux du troisième élément qui, en association avec les deux premiers, devait donner une machine de réfrigération d’une simplicité et d’une efficacité exceptionnelles, lorsque par malheur mon laboratoire fut détruit par un incendie, ce qui paralysa mes travaux et me fit prendre du retard. Peu de temps après, le Dr Carl Linde annonça la liquéfaction de l’air par un procédé d’auto-refroidissement, démontrant qu’il était possible de procéder au refroidissement de l’air jusqu’à ce qu’il devienne liquide. C’était exactement la seule preuve expérimentale dont j’avais encore besoin pour montrer que l’on pouvait obtenir de l’énergie à partir du milieu, de la manière dont je l’avais envisagé.
La liquéfaction de l’air obtenue par auto-refroidissement ne fut pas, comme cela fut dit, une découverte accidentelle, mais un résultat scientifique que l’on ne pouvait plus cacher plus longtemps et qui, selon toute vraisemblance, n’a pas pu échapper à Dewar. Je pense que cette avancée fascinante est largement due aux travaux extraordinaires de ce grand Écossais. Malgré tout, l’œuvre de Linde est restée légendaire. La production de l’air liquide a été menée pendant quatre ans en Allemagne, à une échelle beaucoup plus importante que dans tout autre pays et cet étrange produit a été utilisé dans des buts variés. On en attendait beaucoup à l’origine, mais jusqu’à ce jour, son utilisation est restée très modérée dans le milieu industriel. En utilisant le type d’appareil que je suis en train de mettre au point, les coûts deviendront probablement largement plus abordables, toutefois, son succès commercial restera discutable. S’il est utilisé comme réfrigérant, il n’est pas économique, sa température étant trop basse. Il est tout aussi coûteux de maintenir un corps à basse température qu’il l’est de le maintenir à une température très élevée ; il faut du charbon pour que l’air puisse rester froid. L’air liquide ne peut pas encore rivaliser avec l’électrolyse dans la fabrication de l’oxygène. Il ne convient pas comme explosif, parce que sa basse température le rend, encore une fois, peu efficace, et il est toujours beaucoup trop cher pour servir d’énergie motrice. Il est cependant intéressant de relever qu’en faisant tourner un moteur à l’air liquide, on peut gagner une certaine quantité d’énergie à partir de ce moteur ou, en d’autres termes, à partir du milieu environnant qui maintient la chaleur du moteur, puisque 200 livres de fonte de fer de ce dernier fournissent une énergie d’1 CV effectif par heure. Mais ce gain du consommateur est annulé par une perte égale du producteur.
Ces travaux, pour lesquels je m’investis depuis si longtemps, sont loin d’être terminés. Il reste à perfectionner un certain nombre de détails mécaniques et à maîtriser certaines difficultés d’une autre nature, et je ne peux pas espérer construire un moteur automatique capable de tirer de l’énergie du milieu environnant avant longtemps, même si toutes mes attentes devaient se concrétiser. J’ai été victime, dernièrement, de circonstances qui ont retardé mes travaux ; toutefois, ce délai fut bénéfique pour diverses raisons.
Une de ces raisons est que j’ai eu largement le temps de réfléchir à ce que pourraient être les applications finales de ce développement. J’ai travaillé pendant longtemps, parfaitement convaincu que la mise en pratique de cette technique pour obtenir de l’énergie à partir du soleil, serait d’une valeur inestimable pour l’industrie ; cependant, mes recherches incessantes dans ce domaine ont révélé que, bien que mes attentes soient légitimes, elle sera moins rentable commercialement que je ne le pensais.
La découverte de propriétés inattendues de l’atmosphère - Des expériences étranges - Transmission d’électricité à travers un fil, sans retour -
Transmission sans fil à travers la Terre.
Bien qu’inattendue, la découverte de la conductivité de l’air ne fut que le résultat d’expériences que j’avais menées dans un domaine spécifique quelques années auparavant. Je crois que ce fut en 1889 que des oscillations électriques excessivement rapides m’ont offert certaines possibilités, qui m’ont déterminé à concevoir un certain nombre d’appareils spéciaux adaptés à leur étude. La construction de ces machines fut très difficile en raison des exigences particulières et demanda énormément de temps et d’efforts ; toutefois mon travail fut largement récompensé, car il m’a permis d’obtenir plusieurs résultats tout à fait nouveaux et d’une grande importance. Une des premières observations que je fis avec ces nouvelles machines, c’est que les oscillations électriques d’un taux extrêmement élevé, agissent d’une manière extraordinaire sur l’organisme humain. C’est ainsi que j’ai pu démontrer, par exemple, que de puissantes décharges électriques de plusieurs centaines de milliers de volts, qui alors étaient considérées comme mortelles, pouvaient traverser le corps sans désagrément et sans conséquences préjudiciables. Ces oscillations produisirent d’autres effets physiologiques spécifiques et, après que je les eus rendus publics, de très bons médecins s’en emparèrent avec empressement pour les étudier plus à fond. Ce nouveau domaine s’est montré profitable au-delà de toute espérance et durant les quelques années qui ont suivi, les développements ont été tels, qu’il est devenu un département important et légitime en médecine. Ces oscillations permettent aujourd’hui d’obtenir facilement des résultats qui auparavant étaient impossibles et elles permettent de faire facilement beaucoup d’expériences qui, jusqu’ici, étaient du seul domaine du rêve. Je me rappelle toujours avec délectation comment, il y a neuf ans, j’ai fait passer une décharge d’une puissante bobine d’induction sur mon corps, pour démontrer à une assemblée de scientifiques que ces courants électriques aux vibrations très rapides étaient relativement inoffensifs et je me souviens de l’étonnement de mon public. Je serais prêt aujourd’hui, avec beaucoup moins d’appréhension qu’à cette époque, à faire passer sur mon corps toute l’énergie électrique de toutes les dynamos aujourd’hui en fonctionnement au Niagara, soit entre 40 000 et 50 000 CV. J’ai produit des oscillations électriques d’une intensité telle, que lorsqu’elles passaient à travers mes bras et mon buste, des fils qui étaient reliés par mes mains se mirent à fondre et pourtant, je n’en ressentais aucune gêne. J’ai énergisé avec ces oscillations un circuit, constitué d’épais fils de cuivre, de manière tellement puissante que des masses de métal et même des objets, dont la résistance électrique était bien plus grande que celle du tissu humain, approchés ou placés dans le circuit, s’échauffèrent à une très haute température et fondirent, souvent avec la violence d’une explosion, et pourtant, j’ai souvent avancé ma tête dans ce même espace où régnait ce tumulte terriblement destructeur, sans ressentir quoi que ce soit et sans effets secondaires préjudiciables.
Par ailleurs, j’ai constaté qu’avec ce type d’oscillations on pouvait produire de la lumière d’une manière nouvelle et plus économique, ce qui permettait d’obtenir un système idéal d’éclairage électrique avec des tubes à vide, qui rendait superflu le remplacement des ampoules ou des filaments incandescents, et peut-être même l’utilisation de fils à l’intérieur d’un bâtiment. La luminosité augmente proportionnellement à la vitesse des oscillations et, partant, son succès commercial dépendra de la production économique de vibrations électriques de vitesse extrêmement élevée. Dernièrement, j’ai eu beaucoup de succès dans ce domaine et la mise sur le marché de ce nouveau système d’éclairage ne saurait tarder.
Mes recherches m’ont conduit à de nombreux autres observations et résultats notoires, dont l’un des plus importants fut la démonstration de la faisabilité d’alimenter en énergie électrique un fil, sans retour. Au début, je pouvais seulement faire passer des petites quantités d’électricité de cette nouvelle façon, mais dans ce domaine aussi mes efforts furent couronnés de succès.
La figure 3 est une photo qui montre, comme son titre l’indique, une véritable transmission de ce type, effectuée avec des appareils qui ont été utilisés pour d’autres expériences, que je décris ici. On jugera du degré de perfectionnement de mes dispositifs, car lors de ma première démonstration au début de 1891, mon appareil ne fut capable que d’allumer une seule ampoule (ce qui alors, dit-on, tenait du merveilleux), alors qu’aujourd’hui, je peux affirmer être capable d’allumer, avec cette méthode, 400 à 500 ampoules, voire beaucoup plus, sans problème. En fait, cette méthode permet de produire une quantité d’énergie illimitée et faire fonctionner tout type d’appareil électrique.
La télégraphie "sans fil" - Le secret du réglage - Des
erreurs dans les études hertziennes - Un récepteur d’une merveilleuse sensibilité.
Le système électrique représenté dans la partie supérieure du diagramme C est le même dans son principe, les deux fils ou circuits ESP et E1S1P1 qui montent à la verticale représentent les deux diapasons et les pistons qui leur sont rattachés. Ces circuits sont en connexion avec le sol par deux plaques E et E1 et avec deux feuilles métalliques aux sommets P et P1 qui emmagasinent l’électricité et donc amplifient considérablement les effets. Le réservoir fermé R, aux parois élastiques, est remplacé dans ce cas par la Terre, et le fluide par l’électricité. Ces deux circuits sont "accordés" et opèrent exactement de la même manière que les deux diapasons. Au lieu d’exciter le diapason F dans la station émettrice, on génère des oscillations électriques dans le fil vertical transmetteur ESP grâce à une source S contenue dans ce fil, qui se propagent dans le sol et qui viennent toucher le fil vertical récepteur E1S1P1 en y excitant les oscillations électriques correspondantes. Ce dernier fil, ou circuit, inclut un appareil sensible ou récepteur S1 qui est alors activé et qui active à son tour un relais ou tout autre appareil. Chaque station est évidemment pourvue d’une source d’oscillations électriques S et d’un récepteur sensible S1, et un dispositif simple permet d’utiliser alternativement les deux circuits pour envoyer ou recevoir des messages.
L’accord exact entre les deux circuits garantit de gros avantages et, en fait, il est essentiel pour l’utilisation pratique du système. À cet égard, il existe des erreurs fort répandues dans les rapports techniques concernant ce sujet qui, en règle générale, décrivent ces circuits et dispositifs comme ayant ces atouts, alors que visiblement leur construction même prouve que c’est impossible. Pour atteindre des résultats maximums, il est essentiel que la longueur de chaque fil ou circuit, depuis sa connexion avec la terre et le sommet, soit du quart de la longueur d’onde de la fréquence électrique dans le fil ou, en d’autres termes, égale à cette longueur multipliée par un nombre impair*. Si cette règle n’est pas respectée, il est pratiquement impossible de prévenir les interférences et d’assurer l’intimité des conversations. C’est en cela que réside le secret du réglage. (* il est tout de même curieux que Tesla insiste sur ce point, car les scientifiques d’aujourd’hui sont formels : le nombre doit être PAIR)
Pour obtenir les résultats les plus satisfaisants, il est toutefois nécessaire de recourir à des vibrations électriques de basse fréquence. Le dispositif à étincelles de Hertz, que les expérimentateurs utilisent généralement et qui produit des oscillations de très haute fréquence, ne permet pas un réglage effectif, et de légères perturbations suffisent à rendre un échange de messages impossible. Toutefois, il existe des dispositifs efficaces, conçus par des scientifiques, qui permettent d’obtenir un réglage presque parfait. La figure 5 montre une expérience réalisée avec le dispositif amélioré, auquel je fais souvent référence, qui donne une idée de cette caractéristique ; elle est très figurative et bien expliquée dans sa légende.
En développant ce système de télégraphie, je n’avais qu’une idée en tête : effectuer des communications à n’importe quelle distance sur Terre ou dans le milieu environnant ; j’estimai cette application pratique d’une importance transcendante, principalement à cause de l’effet psychologique qu’il ne manquerait pas d’avoir sur toute la planète. Pour atteindre cet objectif je pensai, dans un premier temps, utiliser des stations relais aux circuits accordés, dans l’espoir de pouvoir envoyer des signaux sur de très grandes distances, même avec les appareils de puissance très modérée dont je disposais alors. J’étais persuadé, toutefois, que des appareils conçus avec soin pouvaient envoyer des signaux en tout point du globe, quelle que fût la distance, sans avoir à passer par des stations intermédiaires. J’ai eu cette conviction lorsque je fis la découverte d’un singulier phénomène électrique, que j’ai décrit en 1892 lors de conférences données pour des scientifiques à l’étranger, et que j’ai appelé le "balai en rotation". Il s’agit d’un faisceau de lumière qui se forme, sous certaines conditions, dans une ampoule à vide et dont la sensibilité aux influences magnétiques et électriques alentour frise, pour ainsi dire, le surnaturel. Ce faisceau lumineux est mis en rotation par le magnétisme de la Terre à raison de 20 000 fois par seconde ; le sens de la rotation est ici à l’inverse de ce qu’il serait dans l’hémisphère sud, tandis que dans la région de l’équateur magnétique, le faisceau ne tournerait pas du tout. Dans son état le plus sensible, quoique difficile à atteindre, il répond aux influences magnétiques et électriques à un degré incroyable. La simple contraction des muscles du bras, soit le plus léger changement électrique dans le corps d’un observateur debout à une certaine distance, l’affectera de manière très perceptible. C’est dans cet état de très haute sensibilité qu’il sera également capable d’indiquer les moindres changements magnétiques ou électriques dans la Terre. L’observation de ce merveilleux phénomène m’impressionna outre mesure, tant et si bien que je fus convaincu qu’il permettait d’établir facilement des communications à n’importe quelle distance, à condition toutefois que l’appareil soit perfectionné au point de pouvoir produire un changement d’état magnétique ou électrique, même faible, dans le globe terrestre ou dans le milieu environnant.
Développement d’un nouveau principe - L’oscillateur électrique - Production de "mouvements" électriques immenses - La Terre répond à l’homme - La communication interplanétaire entre dans le domaine de la probabilité.
J’étais arrivé à la limite des fréquences productibles par d’autres moyens, lorsque j’eus la bonne idée de recourir au condensateur. Je l’adaptai de manière qu’il puisse se charger et se décharger alternativement très vite par une bobine comprenant quelques tours de fil résistant, qui représentait l’enroulement primaire d’un transformateur ou d’une bobine d’induction. Chaque fois que le condensateur se déchargeait, le courant passait en tremblotant dans le fil primaire et entraînait des oscillations correspondantes dans le secondaire. Je venais donc de développer un transformateur ou bobine d’induction, basé sur un nouveau principe, que j’appelai "l’oscillateur électrique", qui partageait les qualités uniques caractérisant le condensateur, et permettait d’atteindre des résultats inespérés par d’autres moyens. Ce type d’appareil perfectionné permet aujourd’hui d’obtenir facilement des effets électriques de tout type et des intensités inimaginables jusque-là. Cet appareil a déjà souvent été mentionné et ses parties essentielles sont montrées sur la figure 6. Pour certains objectifs, un puissant effet d’induction est nécessaire, pour d’autres, une montée rapide du courant, ou une fréquence très élevée, tandis que d’autres encore nécessiteront des "mouvements" (amplitudes) électriques immenses. Les photos des figures 7, 8, 9 et 10 sont celles d’expériences menées avec un oscillateur de ce type ; elles peuvent servir à illustrer certaines de ces caractéristiques et donner une idée de l’ampleur des effets réellement produits. La légende de ces photos me dispense de tout autre commentaire.
Il est inutile de démontrer que la communication sans fil peut se faire vers tout point du globe avec un tel dispositif et j’en ai eu la certitude absolue par une de mes découvertes. En voici une analogie : lorsque nous parlons très fort et que nous entendons un écho de notre voix, nous savons que les sons de la voix ont atteint un mur à distance, ou une frontière, d’où ils ont été réfléchis. Une onde électrique est réfléchie de la même manière qu’un son et le même signe que transmet l’écho est transmis par un phénomène électrique appelé onde "stationnaire", c’est-à-dire une onde dont les ventres et nœuds sont fixes. Au lieu d’envoyer des ondes sonores vers un mur à distance, j’ai envoyé des vibrations électriques vers un lointain obstacle sur la Terre et, au lieu que ce soit le mur, c’est la Terre qui a répondu. À la place de l’écho, j’ai obtenu une onde électrique stationnaire, une onde réfléchie par un point éloigné.
Les ondes stationnaires dans la terre autorisent non seulement la télégraphie sans fil à toutes distances, mais elles nous permettront également d’obtenir des résultats spécifiques très importants, qu’il serait impossible d’atteindre d’une autre manière. Grâce à elles par exemple, nous pourrons produire à volonté, à partir d’une station émettrice, un effet électrique dans toute région particulière du globe ; nous pourrons déterminer la position relative ou le parcours d’un objet en déplacement, comme ceux d’un bateau sur l’océan, la distance qu’il a parcourue ou sa vitesse ; ou nous pourrons encore envoyer une onde électrique par-dessus la Terre à la vitesse voulue, de celle d’une tortue à celle de la lumière.
Grâce à ces développements, nous avons toutes les raisons de penser que, dans un futur relativement proche, la plupart des messages télégraphiques transocéaniques seront transmis sans câbles. Pour des distances plus courtes, un téléphone "sans fil" permettra de communiquer sans l’intervention de spécialistes. Plus la distance à franchir sera grande, plus la communication sans fil deviendra rationnelle. Le câble est non seulement un outil fragile et coûteux, mais il nous limite également dans la vitesse des transmissions, à cause d’un certain facteur électrique inhérent à sa physique. Une centrale destinée aux communications sans fil soigneusement conçue, doit pouvoir effectuer plusieurs fois la quantité de travail d’un câble, et parallèlement, elle sera bien moins coûteuse. Je pense que d’ici quelque temps, la communication par câbles deviendra obsolète, car cette nouvelle méthode permettra non seulement d’envoyer des messages plus vite et à un moindre coût, mais elle sera aussi beaucoup plus sûre. Si l’on utilise certains moyens que j’ai inventés pour encoder les messages, les transmissions pourront s’effectuer dans une intimité presque parfaite.
Jusqu’à ce jour, j’ai observé les effets ci-dessus sur une distance limitée à quelque 1000 km, mais dans la mesure où la puissance des vibrations productibles avec un oscillateur de ce type est quasi illimitée, je suis plutôt confiant quant à la réussite d’une telle centrale à effectuer des communications transocéaniques. Et ce n’est pas tout. Mes mesures et calculs ont montré, qu’en utilisant ces principes, il est parfaitement possible de produire, sur ce globe, un " mouvement " électrique d’une telle ampleur, qu’il ne fait aucun doute qu’il puisse être perceptible sur quelques-unes des planètes les plus proches de nous, comme Mars ou Vénus. Cela signifie que les communications interplanétaires sont passées du stade de la possibilité à celui de la probabilité. En fait, il ne fait aucun doute que nous puissions produire un effet précis sur une de ces planètes avec cette nouvelle méthode, c’est-à-dire en perturbant les conditions électriques de la Terre. Ce moyen pour effectuer de telles communications est toutefois fondamentalement différent de tous les autres qui ont déjà été avancés par les scientifiques. Dans tous les cas antérieurs, l’observateur ne pouvait utiliser dans son instrument qu’une infime partie de toute l’énergie qui arrive sur la planète, c’est-à-dire la quantité qu’il est possible de concentrer dans un réflecteur. Toutefois, grâce à la méthode que j’ai développée, il pourra concentrer dans son instrument la majeure partie de toute l’énergie transmise à la planète et les chances de pouvoir établir une communication seront alors multipliée des millions de fois.
En plus des machines pour produire les vibrations de la puissance voulue, nous avons besoin de moyens sensibles, capables de révéler les effets des faibles influences exercées au-dessus de la Terre. C’est dans ce but que j’ai inventé de nouvelles méthodes. Elles vont, entre autres, nous permettre de détecter la présence d’un iceberg ou d’un autre objet sur la mer à une distance considérable. Elles m’ont également permis de découvrir un phénomène terrestre jusque là inexpliqué. Il est certain que nous pouvons envoyer un message vers une planète et il est probable que nous obtenions une réponse, car l’homme n’est pas la seule créature dans l’Infini, possédant un cerveau.
La transmission sans fil de l’électricité à toutes distances entre dans le domaine de la faisabilité - Les meilleurs moyens pour accroître la force d’accélération de la masse humaine.
La découverte de ces nouvelles propriétés de l’atmosphère permettait non seulement d’envisager la transmission de grandes quantités d’énergie sans fil, mais aussi, et c’est encore plus important, elle donnait la certitude que l’énergie pouvait être transmise de cette manière plus économiquement. Avec ce nouveau système, il importe peu - voire pas du tout - que la transmission se fasse sur quelques kilomètres ou sur plusieurs milliers de kilomètres.
Jusqu’ici, je n’ai pas encore effectué de transmission d’une quantité considérable d’énergie, - soit significative d’un point de vue industriel - à une distance éloignée avec cette nouvelle méthode, cependant, j’ai fait fonctionner plusieurs maquettes de centrales dans, précisément, les mêmes conditions que celles qui existent dans une grande centrale de ce type, et la faisabilité du système est parfaitement prouvée. En fin de compte, les expériences ont montré qu’avec deux terminaux placés à pas plus de 9000 à 10 600 mètres d’altitude, ayant une tension électrique entre 15 et 20 millions de volts, il est possible d’envoyer des milliers de CV d’énergie à des centaines et, au besoin, à des milliers de kilomètres. Toutefois, j’espère pouvoir réduire considérablement la hauteur des terminaux qui est aujourd’hui indispensable et, pour ce faire, j’ai un plan qui est très prometteur. Il existe évidemment un préjudice pour la population si l’on utilise une tension électrique de millions de volts, car des étincelles pourraient voler jusqu’à des centaines de mètres, mais, paradoxalement, le système, tel que je l’ai décrit dans une de mes publications techniques, est beaucoup moins dangereux pour la population que la plupart des circuits de distribution courants utilisés dans nos villes. Cela est en partie confirmé par le fait que je n’ai jamais été blessé et aucun de mes assistants non plus, bien que je mène ce type d’expériences depuis plusieurs années.
Avant de procéder à une introduction pratique du système, il est nécessaire de répondre à un certain nombre d’exigences essentielles. Il ne suffit pas de construire des dispositifs capables d’effectuer ces transmissions. Les machines doivent être telles que la transformation et la transmission de l’énergie puissent se faire dans des conditions très économiques et pratiques. En outre, il faut encourager les personnes qui s’engagent dans l’exploitation industrielle des sources d’énergie naturelles, comme l’énergie hydraulique, en leur garantissant un bénéfice sur le capital qu’ils investissent, plus grand que celui qu’ils toucheraient en le plaçant dans l’immobilier local.
À partir du moment où l’on s’est aperçu que, contrairement aux idées reçues, les couches facilement accessibles de l’atmosphère pouvaient être conductrices d’électricité, la transmission d’électricité sans fil a commencé à être étudiée rationnellement par les ingénieurs ; les travaux dans ce domaine ont, pour eux, une importance capitale. Sa mise en pratique signifierait que l’énergie sera disponible pour l’homme en tout point du globe, non en petites quantités comme celles que l’on pourrait extraire du milieu environnant avec les dispositifs adéquats, mais en quantités quasi illimitées, à partir des chutes d’eau. L’exportation de l’énergie pourrait alors devenir la principale source de revenus de nombreux pays bien situés comme les États-Unis, le Canada, l’Amérique centrale et du Sud, la Suisse et la Suède. Les gens pourraient aller habiter n’importe où, fertiliser et irriguer la terre sans difficultés, convertir des déserts stériles en jardins, et tout le globe pourrait ainsi être transformé et devenir un lieu plus adapté à l’humanité. S’il existe des créatures intelligentes sur Mars, il est fort probable qu’elles ont mis cette idée en pratique depuis longtemps, ce qui pourrait expliquer les changements à la surface de la planète que les astronomes ont relevés. Comme l’atmosphère de cette planète est de densité nettement inférieure à la nôtre, les travaux sont bien plus faciles.
Il est probable que nous aurons bientôt un moteur thermique automatique susceptible de tirer des quantités d’énergie modérées du milieu environnant. Et la possibilité existe - quoique faible - que nous puissions obtenir de l’énergie électrique directement du soleil. Ce serait le cas si la théorie de Maxwell était exacte et selon laquelle des vibrations électriques de toutes les fréquences seraient émises par le soleil. Je n’ai pas terminé mes investigations à ce sujet. Sir William Crookes a démontré avec sa belle invention, connue sous le nom de "radiomètre", que l’impact des rayons produirait un effet mécanique, et cela pourrait conduire à quelques révélations importantes quant à l’utilisation des rayons solaires par de nouveaux moyens. On est susceptible de découvrir de nouvelles sources d’énergie et de nouvelles techniques pour puiser l’énergie solaire, mais aucune d’elles, ni aucun développement similaire, n’auraient autant d’importance que la transmission d’énergie à toutes distances à travers le milieu. Je n’arrive pas à imaginer une autre avancée technique capable de réunir les éléments variés de l’humanité de manière plus efficace que celle-ci, ou quelque chose qui apporterait plus à l’énergie humaine ou qui pourrait faire qu’elle soit mieux employée. Ce serait le meilleur moyen d’augmenter la force d’accélération de l’humanité. La seule influence morale d’un changement aussi radical serait inestimable. Néanmoins, si en tout point du globe il devient possible de puiser de l’énergie en quantités limitées dans le milieu environnant avec un moteur thermique automatique ou autre, les conditions ne changeront pas. Les performances humaines seront amplifiées, mais les hommes resteront des étrangers les uns pour les autres, comme aujourd’hui.
Je m’attends à ce que beaucoup de gens qui n’auront pas été préparés à concevoir ces possibilités, pensent qu’elles sont loin de pouvoir être mises en pratique, bien que, pour moi, ce soit simple et évident, parce que cela fait longtemps qu’elles me sont familières. La réserve, voire le rejet, de certains est aussi utile et nécessaire pour le progrès humain que la sensibilisation trop rapide ou l’enthousiasme d’autres. Une masse qui se montre d’abord résistante à une force, une fois mise en mouvement, contribue à accroître son énergie. Le scientifique ne cherche pas à obtenir un résultat immédiat. Il ne s’attend pas à ce que ses idées avancées soient acceptées facilement. Son travail est comparable à celui du jardinier : il œuvre pour l’avenir. Sa mission est de poser les fondations pour ceux qui lui succèderont et de montrer la voie. Il vit, il travaille et il espère, comme ce poète qui a dit :
Hohes Glück, dass ich’s vollende !
Lass, o lass mich nicht ermatten !
Nein, es sind nicht leere Träume :
Jetzt nur Stangen, diese Bäume
Geben einst noch Frucht und Schatten !
Mes mains, sans relâche, font leur travail quotidien,
Pouvoir l’accomplir, quel grand bonheur que le mien !
Oh, pourvu que jamais mon énergie ne sombre !
Non, ce ne sont pas seulement des rêves creux :
Si aujourd’hui ces arbres ne sont que des pieux,
Ils donneront un jour des fruits et de l’ombre !
"Espoir" de Goethe